Les marques algériennes contribuent-elles à la parité homme-femme ?

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Kahina Fernane

Depuis plusieurs années, la question de l’égalité des genres soulève des débats houleux et controversés, et ce dans tous les domaines.

Malgré le combat qui persiste à ce jour et les revendications, la disparité entre les hommes et les femmes subsiste encore, que ce soit dans la cellule familiale, dans la société ou encore dans la sphère professionnelle. 

Bon, ne soyons pas négativistes, beaucoup d’efforts ont été faits autour de ce sujet. Certaines choses, impensables il y a 50 ans, sont devenues “normales” aujourd’hui. Mais le chemin reste long.

Penchons-nous sur le rôle que joue (ou pas) la publicité. 

La publicité est un vecteur puissant pour transmettre un message et tenter de façonner les attitudes et les comportements. 

Tout y est dépeint de manière aspirationnelle, et dans la plupart des cas les messages véhiculés proposent une vision tronquée de la réalité. Normal, me direz-vous, étant donné que son objectif final est de vendre un produit ou un service en faisant rêver. Mais la publicité regorge aussi de clichés et de stéréotypes, notamment ceux qui concernent les hommes et les femmes. 

En effet, la publicité algérienne est parfois pointée du doigt car elle contribuerait à diffuser et entretenir les stéréotypes de genre: on y voit la femme, très souvent représentée comme la parfaite ménagère, s’occupant soit des enfants, soit du ménage et de la cuisine. Mais pas seulement. On l’a aussi vu comme assistante de l’homme, qui lui est présenté comme un expert. 

Prenons comme exemple la lessive qui, “ socialement parlant,” reste une affaire de femme dans notre pays. Par contre, la réparation de la machine à laver est le territoire de l’homme. Nous voyons dans certaines publicités propres à ce type de produits un homme vêtu d’une blouse blanche apporter le savoir faire technique et l’expertise qui permettra à la femme de vaquer au mieux à sa mission domestique traditionnelle.

Cela dit, ce n’est pas qu’en Algérie que cela se passe. En 2011, aux USA, Procter & Gamble a créé tout un “bad buzz” avec cette publicité pour le moins douteuse à travers le message “ This mother’s day, get back to the job that really matters” ( En cette fête des mères, retournez au travail qui compte vraiment “).

Mothers day MR Clear campaign 2011

Autre stéréotype qui a la peau dure et que nous retrouvons dans beaucoup de publicités: la femme est celle qui sert les plats au moment du repas, ou bien celle qui lave la vaisselle. Nous voyons rarement un homme s’adonner à cela. Et même si c’est le cas, c’est dans le but de capter l’attention du spectateur par le côté insolite (“anormal”) de la scène.

Il est clair que l’image de l’homme et de la femme représentée dans la publicité en Algérie n’est pas complétement à l’opposé de celle qu’a la société des deux genres. Bien au contraire, elle ne fait que refléter et reproduire la société patriarcale. Elle colle à la femme une seule étiquette qui tourne autour de sa maison et de sa famille seulement, et qui n’a pas l’air d’avoir d’autres aspirations et ambitions. Contrairement à l’homme qui lui peut avoir plusieurs facettes:  l’expert, l’aventurier, le père de famille, l’employé, etc.

Heureusement, la société et les mentalités changent et la publicité, se calant généralement sur celle-ci, évolue en même temps qu’elle. Les hommes aident de plus en plus leurs épouses (en vrai, je n’aime pas beaucoup ce terme “ aider”, car en principe chacun doit faire sa part à la maison). Certaines marques algériennes tendent à renverser la vapeur en jouant sur un nouveau terrain. Nous en avons d’ailleurs identifié quatre.

Awane (Faderco): La marque d’hygiène féminine met un point d’honneur à mettre en avant la femme. Elle a su faire du “women empowerment” sa plateforme de marque. Sur l’un de ses spots, la marque met en scène différents profils de femmes: travailleuses, passionnées, battantes, aimantes, etc. L’image de la femme ne se cantonne plus à celle de la ménagère, elle prend le pouvoir et retrouve la place qui lui revient. Voilà donc une pub qui “pousse” dans le bon sens.

Schlumberger: L’entreprise multinationale de services et d’équipements pétroliers a lancé pour la journée internationale des droits des femmes une campagne d’affichage urbain où elle a mis en avant les compétences féminines. A travers un message fort “She is not a woman, she is an engineer” (“Elle n’est pas une femme, elle est une ingénieure”) et sous le hashtag “Skills have no gender” (“les talents n’ont pas de genre”), l’entreprise a su mettre en valeur la femme et ses compétences et témoigne de son engagement pour faire valoir l’égalité du talent entre hommes et femmes. 

Couscous Mama: Le spot met en scène le célébre footballeur Belaili qui prépare un délicieux couscous ( comme quoi la cuisine n’est pas une affaire de femme uniquement). Il aurait été inimaginable il y a quelques années de montrer un homme en train de cuisiner. Cela prouve que les mentalités évoluent. De plus, utiliser un ambassadeur aussi adulé que Belaili pourrait permettre à la marque de faire passer le message plus facilement et de le faire accepter par les esprits étriqués. On imagine tout de même que la marque est plus motivée par l’effet “star” que par l’objectif de faire évoluer les mentalités.

Amir Clean: La marque a produit des capsules dans lesquelles elle met en avant la répartition des tâches ménagères au sein du foyer et où chacun doit faire sa part. En effet, dans les vidéos, la marque met en exergue le fait que les tâches domestiques n’incombent pas uniquement à la femme mais que tout le monde doit y participer dans la maison.  

Les marques algériennes engagées dans cette cause se comptent sur les doigts d’une main. Beaucoup d’entre elles, pour ne pas dire la plupart, sont frileuses à l’idée de défier les codes de la société patriarcale dans laquelle nous vivons. Ceci peut-être dû au fait qu’elles ne veulent pas heurter les plus conservateurs ou tout simplement parce qu'elles mêmes n'adhèrent pas au principe de parité. Il est évident que c’est une erreur venant de l’un des acteurs qui ont le pouvoir de changer les choses et de faire évoluer les mentalités. Les entreprises algériennes sous-estiment ce pouvoir car si tout le monde s’y mettait, cela deviendrait la norme et non pas l’exception. Elles se doivent donc de prendre ce parti, le parti de défendre les droits des femmes et de déclarer la guerre aux stéréotypes dont cette frange de la population a du mal à se défaire. Leur rôle est nécessaire afin d’éveiller les consciences, faire changer la manière de penser et modifier des comportements déjà bien ancrés. Rappelez-vous du spot Ariel, sorti il y a quelques années en Inde, dans lequel la marque pointait du doigt les inégalités dans le partage des tâches ménagères entre les hommes et les femmes, se demandant pourquoi la lessive incomberait à la femme uniquement. Cette publicité avait suscité l’émoi dans plusieurs pays où elle a été diffusée, et a permis à la marque d’apporter sa pierre à l’édifice dans ce combat perpétuel pour l’égalité des genres.  

Il est indéniable que l’impact entre la publicité et l’individu ou les groupes de personnes est mutuel. Tout comme la publicité a tendance à représenter un monde idéal et aspirationnel influant sur le comportement de l’individu, elle peut et doit représenter un comportement idéal qui inspirera. Heureusement, la société évolue, et beaucoup de jeunes aujourd’hui, filles et garçons, ont des figures de référence en phase avec le principe de parité et ne souhaitent plus faire comme les anciennes générations. Les marques doivent donc s’inspirer de celà, en montrant une toute autre image de la femme moderne qui est bien loin des fourneaux et des tâches ménagères, et de l’homme avachi sur son canapé en face de la TV, se faisant servir par son épouse.  

Si nous devions retenir quelque chose c’est que les marques en Algérie sont encore loin de faire avancer les choses en termes d’égalité des genres. Il semblerait même que cela ne fasse pas partie de leur priorité ou de leur préoccupation. Cela soulève aussi le rôle sociétal que doivent jouer, ou pas, les entreprises. Mais ça, c’est un autre sujet! 

Lotissement Ben Haddadi, villa n°2, Dar Diaf 16014, Chéraga, Algérie
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